Par Vicky Berthiaume
Les crèmes solaires contiennent des filtres chimiques (organiques) ou minéraux (physiques) afin de protéger la peau contre les UVA et les UVB. Bien que de nombreuses études aient démontré l’efficacité des écrans solaires commerciaux pour protéger notre peau des effets nocifs des rayons ultraviolets, des études émergentes ont fait la démonstration que certains filtres chimiques s’avèrent nocifs pour l’environnement, conduisant plusieurs fabricants à délaisser les filtres chimiques, au profit des filtres minéraux.
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Crème solaire chimique ou minérale : quelle est la différence?
Les filtres minéraux – le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc – créent une barrière protectrice sur la peau, en réfléchissant les rayons ultraviolets. Les filtres chimiques pénètrent dans la peau et absorbent les rayons ultraviolets, les convertissent en chaleur, puis les libèrent du corps.
Une petite étude publiée par le Journal of the American Medical Association (JAMA), en 2019, a révélé que quatre ingrédients chimiques des écrans solaires, soit l’oxybenzone, l’avobenzone, l’octocrylène et l’écamsule passent dans le sang. L’étude suggère que l’utilisation régulière des écrans solaires pourrait entraîner une accumulation dans l’organisme. Une étude de suivi publiée en 2020 par le JAMA a confirmé ces observations.
Les écrans solaires minéraux, quant à eux, ne seraient pas absorbés par voie systémique, selon une étude publiée en 2009, dans Skin Pharmacol Physiol. Selon ces données, moins de 0,03 % des nanoparticules de zinc ont pénétré la couche cornée supérieure, et aucune particule n’a été détectée dans la couche cornée inférieure.
Un constat préoccupant
De récentes études ont signalé que des ingrédients des écrans solaires chimiques sont détectables dans diverses sources hydriques et pourraient persister en dépit du traitement de l’eau. C’est le cas d’une étude brésilienne, des chercheurs ayant étudié la présence de divers filtres UV chimiques dont l’oxybenzone, dans des usines de traitement de l’eau, sur une période de six mois à un an. Les données parues en 2015 dans Environmental Science and Pollution Research ont démontré que l’oxybenzone n’avait pas été éliminé par le processus de traitement de l’eau.
Dans le cadre d’une revue scientifique publiée en 2019 dans J Am Acad Dermatol, les auteurs soulignent que des filtres UV tels que l’oxybenzone, l’octocrylène, l’octinoxate et l’octisalate ont été trouvés dans presque toutes les sources d’eau dans le monde, ces filtres n’étant pas facilement éliminés par les techniques courantes de traitement des eaux usées. Chaque année, environ 14 000 tonnes de crème solaire se déversent dans les mers, par la baignade et la douche.
En outre, des filtres UV tels que l’oxybenzone, l’octocrylène et l’octinoxate ont été détectés dans diverses espèces de poisson dans le monde entier, ce qui aurait de potentielles conséquences sur la chaîne alimentaire.
L’impact des ingrédients chimiques des écrans solaires sur les récifs coralliens suscite présentement l’intérêt de la recherche scientifique. Bien qu’il faille tenir compte d’autres variables comme les effets du réchauffement climatique et d’autres types de substances chimiques, certains ingrédients des crèmes solaires présentent des risques pour les récifs coralliens et contribuent à leur dégradation.
De nombreuses études ont démontré les effets néfastes de la crème solaire sur le corail, pointant du doigt l’octinoxate et l’oxybenzone, notamment. Des scientifiques de l’Université de Stanford avaient d’ailleurs démontré, en mai 2022, que les coraux et les anémones de mer – animaux proches des coraux – métabolisent l’oxybenzone, la transforment en une substance qui, une fois exposée à la lumière du soleil, libère des radicaux nuisibles qui blanchissent et tuent les coraux.
Une importante étude publiée en septembre 2023 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail vient corroborer ces résultats. L’agence a découvert trois substances contenues dans les crèmes solaires comme étant toxiques pour les coraux : l’oxybenzone, l’octinoxate et l’octocrylène. L’étude s’est appuyée sur des données disponibles en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte.
Ces études ont conduit certains pays ou états à bannir les crèmes solaires contenant les ingrédients mis en cause par les chercheurs, ou qui ne sont pas biodégradables, afin de protéger les récifs coralliens, essentiels à la survie des océans et la biodiversité marine.
Des crèmes solaires nouvelle génération
Le marché regorge encore de crèmes solaires à base de filtres chimiques comme l’oxybenzone, l’octinoxate et l’octocrylène. Toutefois, des solutions de remplacement font leur apparition sur les tablettes des magasins. De nombreuses marques ont renoncé aux filtres controversés – partiellement ou totalement – en proposant des produits de substitution, misant sur des filtres minéraux, comme le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc.
Depuis quelques années, les marques sont de plus en plus nombreuses à améliorer leur formule, à proposer une liste d’ingrédients la plus naturelle et saine possible, afin de préserver la santé de notre peau et de l’environnement. À base de filtres solaires minéraux à 100%, à large spectre UVA et UVB, ces formules sont enrichies d’huiles végétales, d’huiles essentielles, d’extraits de plantes, d’algues, de vitamines et minéraux et d’acide hyaluronique, pour n’en nommer que quelques-uns. Ces ingrédients apportent des bienfaits supplémentaires à la peau.
Il existe des crèmes solaires biologiques, écologiques, biodégradables et non testées sur des animaux. De nombreuses marques privilégient les filtres minéraux composés de dioxyde de titane ou d’oxyde de zinc sous forme de microparticules, et non de nanoparticules. Les microparticules sont considérées comme plus sûres pour l’environnement et les cours d’eau.
Une crème solaire à base de bactéries
Michał Styczyński, doctorant en biologie à l’Université de Varsovie, a découvert en décembre 2021 une nouvelle substance grâce à laquelle il serait possible de créer une crème solaire 100% naturelle. Il a en effet découvert qu’un type de bactéries trouvé dans l’Antarctique produit une substance agissant comme filtre UV naturel.
Une découverte majeure qui pourrait révolutionner l’univers des cosmétiques. Toutefois, bien que le scientifique dispose d’une connaissance approfondie sur ce composé, il a mentionné qu’il faudra attendre avant que cette substance ne se retrouve dans les crèmes solaires. En effet, d’autres tests, des ressources et des fonds supplémentaires seront nécessaires.