Les colorants alimentaires sont des additifs utilisés pour ajouter de la couleur à divers aliments et boissons. La couleur rend l’aliment plus appétissant. On retrouve deux grandes catégories de colorants alimentaires : les colorants naturels et les colorants artificiels (synthétiques). Ils aident l’industrie agroalimentaire à mieux vendre ses produits. Toutefois, l’inquiétude grandissante des consommateurs et de certains scientifiques à l’égard des colorants synthétiques pousse les fabricants à trouver des alternatives naturelles aux colorants artificiels.
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Les colorants alimentaires naturels sont souvent des pigments issus d’aliments, de plantes, de graines, d’insectes, ou encore de micro-algues. Des défis restent à relever en termes de performance afin de répondre pleinement aux attentes de l’industrie agroalimentaire. En effet, la difficulté est de produire des pigments stables et de couleur assez vive pour rivaliser avec les colorants artificiels. On peut penser, par exemple, aux couleurs qui ne résistent pas au temps, ou qui s’estompent avec la chaleur de la cuisson.
Certains facteurs font aussi en sorte d’augmenter les coûts de production, comme c’est le cas lorsqu’une grande quantité de matières premières s’avère nécessaire afin de produire des nuances fortes, lorsque les matières premières présentent un faible taux de croissance, ou encore lorsqu’elles ne sont pas assez abondantes pour répondre à la demande. Ce qui explique pourquoi de nombreux fabricants misent encore sur les colorants artificiels, moins coûteux à produire.
Toutefois, les colorants synthétiques présentent des inconvénients, certaines études ayant suggéré que certains colorants artificiels pourraient avoir des effets néfastes sur la santé. Et les consommateurs, de plus en plus soucieux de leur santé, tendent à se tourner vers des aliments qui sont perçus comme naturels et sains. Ces nouvelles habitudes de consommation ont d’ailleurs déclenché de nombreux travaux de recherche portant sur l’influence de la naturalité alimentaire sur le choix des consommateurs.
Ce constat a exercé une pression sur l’industrie agroalimentaire. Depuis le début des années 2000, les colorants naturels gagnent en popularité auprès des marques d’aliments transformés en Amérique du Nord, comme c’est le cas pour Kraft Dinner, Smarties et Froot Loops, maintenant converties aux colorants naturels. Le Canada et les États-Unis emboîtent progressivement le pas à l’Europe qui mise sur les colorants naturels depuis longtemps. La recherche scientifique se poursuit afin d’optimiser les performances des colorants naturels.
Les déchets de table
Il existe des champignons qui produisent des pigments sans toxines, mais leur niveau de production est faible. C’est pour corriger la situation que des scientifiques de l’Université McGill se sont tournés, en 2022, vers la coculture de champignons. Ils sont ainsi parvenus à produire massivement des pigments grâce à la fermentation de déchets alimentaires par des champignons microscopiques.
Les effets de différentes combinaisons de champignons non toxiques sur la concentration de pigments produits lors de la dégradation de résidus alimentaires ont été étudiés. La combinaison d’un Talaromyces avec un Trichoderma reesei, a permis de doubler la production de pigments, comparativement aux champignons cultivés seuls. Selon l’équipe scientifique, ce système de coculture sur déchets aurait produit une masse de pigments beaucoup plus importante que ce qui a été obtenu dans le passé avec des méthodes similaires.
Avec la quantité astronomique de déchets alimentaires produite chaque année, la matière première serait accessible et peu dispendieuse. Toutefois, d’autres défis devront être relevés avant que la méthode ne sorte des laboratoires. Avant une utilisation à grande échelle, de nouvelles études seront également nécessaires pour optimiser le processus.
Les micro-algues
De nombreuses souches algales servent pour la production des colorants alimentaires naturels. La spiruline, par exemple, est largement utilisée pour ses propriétés colorantes naturelles. Elle contient de la phycocyanine, un pigment bleu. C’est le seul colorant bleu alimentaire naturel autorisé en Europe. En parallèle, les scientifiques continuent d’étudier d’autres espèces de micro-algues pour l’extraction de pigments naturels.
En 2020, Fermentalg a signé un contrat avec DDW, spécialiste mondial des colorants, pour finir de développer et commercialiser Blue Origins, un nouveau colorant naturel bleu extrait d’une autre micro-algue que la spiruline. Il s’agit d’un pigment dérivé de la phycocyanine. Il est extrait de la micro-algue Galdieria Sulphuraria, cultivée par fermentation.
L’innovation a fait l’objet de plusieurs brevets. Selon le PDG de la spécialiste française des micro-algues, Fermentalg, Blue Origins serait plus performant que les extraits de spiruline et pourrait permettre de créer un nouveau standard dans l’industrie agroalimentaire. Fermentalg et DDW ont mis leurs ressources en commun afin d’accélérer l’industrialisation et la commercialisation de cette nouvelle solution.
Le chou rouge
Une équipe de chercheurs internationaux a développé un colorant bleu cyan d’origine naturelle à partir d’une composante du chou rouge. Les recherches ont été menées au Mars Advanced Research Institute et au Mars Wrigley Science and Technology. L’étude a été publiée dans la revue Science Advances en 2021.
Une petite quantité d’anthocyanine mono-acylée mineure se trouve dans le chou rouge. Les chercheurs sont parvenus à en augmenter le volume à l’aide d’une enzyme, et ainsi l’utiliser dans l’industrie alimentaire. Ce nouveau colorant pourrait remplacer les colorants alimentaires bleus synthétiques actuellement utilisés dans l’industrie alimentaire.
Selon les chercheurs, la nouvelle couleur peut produire de meilleures nuances de vert, et en plus grande quantité, que celles dérivées des colorants bleus naturels existants. Ce colorant aurait montré une stabilité remarquable, avec seulement 14 % de perte de couleur, alors que de nombreuses autres couleurs provenant de sources naturelles ont une stabilité limitée dans le temps.
Les chercheurs ont pu produire en quantité suffisante le colorant bleu, et ainsi répondre aux besoins du marché. Selon Pamela Denish, diplômée en biophysique de l’université de Californie à Davis et co-autrice de l’étude: « Les alternatives telles que la spiruline ne sont tout simplement pas assez abondantes pour répondre à la demande. Ce qui les rend très coûteuses et irréalistes pour une utilisation par les grands fabricants de produits alimentaires.»