LE GOÛT DES PESTICIDES DANS LE VIN

Par Marc-André Gagnon

Est-ce que les pesticides donnent un goût au vin? La question peut sembler saugrenue, mais c’est la question qui trottait dans la tête d’un chef cuisinier qui l’a posée à un de ses amis, un professeur de biochimie. Jérôme Douzelet, chef cuisinier étoilé, dit que goûter des pesticides peut paraître fou, mais jamais il ne viendrait à l’idée d’un vrai cuisinier d’élaborer un plat avec des ingrédients qu’il n’a pas testés.

Il demande donc à son ami Gilles-Éric Séralini, professeur à l’Université de Caen en Normandie de vérifier si les résidus de pesticides contenus dans le vin lui communiquent un goût. M. Séralini est bien connu des milieux scientifiques pour avoir dévoilé en 2012 les dangers de l’herbicide Roundup.

Le professeur fait donc analyser 32 vins de France et d’Italie (16 vins bios et 16 non bios) afin de connaître leur teneur en résidus de pesticides. Il retient 11 pesticides trouvés le plus fréquemment dans ces vins. Les vins bios n’en contiennent pas, mais tous les vins conventionnels testés, sauf deux, contiennent de 1 à 6 pesticides. Il découvre même qu’un grand vin de Pomerol, acheté 600 $, contient du boscalide, un produit déclaré cancérigène et qui attaque la thyroïde et le foie.

Puis le chercheur prend la même quantité de chacun de ces pesticides et les met dans de l’eau aux mêmes proportions qu’ils se retrouvent dans le vin. Il demande ensuite à des oenologues, sommeliers, vignerons et cuisiniers de sentir et de déguster ces verres d’eau et de noter leurs impressions.

Au total, il fait 195 tests auprès de 36 professionnels du vin sur une période de deux ans. Et les résultats sont étonnants. Les arômes décrits dans ces verres d’eau contenant des traces de pesticides s’apparentent à des flaveurs souvent mentionnées par des dégustateurs de vin.

Ainsi, le verre qui contient un peu de fenhexamide est décrit comme ayant une saveur de bonbon anglais, de caramel, de chocolat ou de pêche. Le pyriméthanil est décrit comme ayant une odeur d’essence de pin et de menthol; l’iprovalicarbe sent la noix et les médicaments; l’iprodione a des notes de bois, de vanille et de pneu brûlé; le Roundup donne une amertume et le glyphosate est calcaire et mentholé…

Ceci étonne beaucoup les dégustateurs, car ces odeurs apparaissent souvent dans des vins. Les sensations en bouche notées lors de ces dégustations de pesticides, soit l’amertume, l’astringence, des picotements, de l’âcreté, légère sensation de brûlure ou de coupant… sont aussi perçues dans certains vins.

Le chercheur en vient donc à la conclusion que le goût du vin ne vient pas seulement du terroir, des cépages, de la fermentation et des levures, mais aussi probablement en partie des pesticides. « Un grand nombre de facteurs ont une influence sur le goût final du vin. » Ces pesticides sont pour la plupart des fongicides utilisés pour tuer les champignons qui s’attaquent aux raisins et aux feuilles de la vigne. Il y a aussi parmi eux des herbicides, tel le glyphosate, composant principal du Roundup.

Ces produits sont appelés phytosanitaires par leurs vendeurs et leurs utilisateurs, ce qui fait bien rire le professeur Séralini. Car en effet, « le mot phytosanitaire signifie “soins des plantes”, alors que les herbicides tuent les plantes, que les fongicides tuent les levures ou les champignons sans soigner les plantes et que les insecticides tuent les insectes. Voilà les familles de pesticides – le seul mot scientifique répertorié pour les nommer. Toute autre appellation n’est que du marketing, de l’enrobage commercial. »

Le professeur dit que ces pesticides, « dont le folpet, le plus utilisé dans les vignes (un neurotoxique) sont des produits toxiques de manière chronique dont on a toujours négligé leur toxicité dans le vin et de plus ces produits changent le gout du vin. » Dans ces tests de laboratoire, le professeur Séralini dit avoir trouvé aussi des pesticides interdits en plus de résidus de pétrole, de métaux lourds et de l’arsenic. Au début de l’expérience, le chercheur a fait goûter 16 vins bios et 16 vins non bios par paires, c’est-à-dire un vin bio avec un autre non bio de la même appellation, et dans 86 % des cas, les dégustateurs ont préféré le vin bio.

En conclusion, disons que nous préférons les vins sans pesticides. Pourquoi prendre des risques ? Voici donc quelques bons vins bios.

Domaine Milan Le Vallon 2010

Un délicieux vin rouge fait par Henri Milan en Provence avec les cépages grenache, syrah, mourvèdre et cinsault, sous l’appellation Vin de France. C’est léger, épicé, d’un fruité élégant. Ça coule de manière agréable en bouche. Délectable.

Servir à 14-15 degrés. Sans sulfite ajouté, donc un vin dit nature. Vendanges manuelles. Certifié AB et culture en biodynamie. Pour une garde 10 à 15 ans selon le producteur.

12775701    Prix : 25,00 $

 

Domaine de l’île Margaux 2014

Beaux nez de fruits noirs et de cuir. Attaque d’un fruité riche, puis tanique. Texture tanique bien granulée. Tanins poudreux. Sensation granulée persistante en bouche.

Encore bien jeune. Pour accompagner les ragoûts, les plats costauds. Devrait s’améliorer encore au cours des trois prochaines années. Alc. 14 %. Sucre 2,3 g/l. Encépagement : merlot 45 %; cabernet sauvignon 20 %; petit verdot 15 % et malbec et cabernet franc.

Vendanges manuelles. 12 à 18 mois dans 1/3 barriques neuves. Une production de 80 000 bouteilles. En troisième année de conversion bio. Disponible aussi dans certaines SAQ Dépôt.

43125  Prix : 21,75 $

 

Gérard Bertrand, Languedoc, La Sauvageonne 2014

Syrah et grenache. Nez de fruits chauds, d’épices et de fumée. Ces arômes reviennent aussi en bouche. Belle texture coulante. Fruits chauds en finale.

Conversion en biodynamie depuis 2012. Servir avec les grillades. Alc. 14 %. Sucre 2,4 g/l.

914200  Prix : 16,05 $

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Vous pouvez voir à cette adresse https://www.youtube.com/watch?v=rnbY2ty4TVI&feature=youtu.be&t=84 une entrevue de 12 minutes avec le professeur Séralini.

DOUZELET, Jérôme et Gilles-Éric Séralini. Le goût des pesticides dans le vin, Éditions Actes Sud, 142 pages, janvier 2018.

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L’auteur de cette chronique, Marc-André Gagnon est journaliste depuis plus de 30 ans. Il est maintenant journaliste indépendant (depuis 2004) et spécialisé dans le domaine du vin. Il anime le site internet Vin Québec qui est le magazine internet du vin le plus consulté au Québec (vinquebec.com) Vous pouvez le contacter à cette adresse : info@vinquebec.com.

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